
Santé mentale. Les entreprises cherchent la solution
Une crise structurelle et des programmes qui peinent à engager
Le mal-être mental ne relève plus de l’exception. Il s’installe, durablement. Troubles anxieux, burn-out, dépression, en 2024, les troubles psychiques deviennent la première cause des arrêts longue durée, représentant 24,5 % des cas (étude AXA). Une progression constante depuis 2019, particulièrement marquée chez les femmes et les jeunes actifs.
Et pourtant… l’engagement reste marginal. Selon Moka.care, 74 % des salariés ont déjà ressenti un trouble de santé mentale lié au travail, mais seuls 16 % ont reçu une formation dédiée, et 38 % ne se sentent pas armés pour soutenir un collègue en détresse.
Dans les entreprises, les dispositifs existent… sur le papier. Mais dans les faits, ils peinent à embarquer les collaborateurs. Pour quelles raisons ?
- Trop en silo. Centrés uniquement sur le mental, certains dispositifs apparaissent déconnectés du réel. Un atelier “gestion du stress” sans action sur la charge de travail, c’est un pansement sur une jambe de bois.
- Trop flous, trop tabous. Peu concrets ou associés à une image négative : “Si j’y vais, c’est que je ne vais pas bien.” Certains salariés hésitent à participer aux programmes bien-être de peur d’être mal vus. Résultat : le sujet reste sous le tapis.
- Pas assez incarnés. Sans relais managériaux formés, les initiatives peinent à exister dans le quotidien. Un manager qui ne sait pas détecter un signal faible ou qui n’ose pas ouvrir le dialogue, c’est une chaîne de prévention qui se brise.
- Une parole freinée. La peur du jugement reste forte. On se tait… et on s’épuise. Dans certaines équipes, évoquer son stress ou sa fatigue revient à admettre une faiblesse. Le silence devient la norme.
Santé mentale : ces entreprises qui passent à l’action
Certaines organisations font le choix d’une approche intégrée, connectée à leur culture et à la réalité du terrain. Objectif : créer un environnement de travail plus équilibré et engageant.
🧩 Approche systémique : inscrire la santé mentale dans une stratégie globale
Chez Schneider Electric, la santé mentale ne se limite pas à un atelier annuel. Depuis 2019, l’entreprise a mis en place une démarche holistique : formations massives, accès 24/7 à des psychologues, champions de la pleine conscience, services bien-être sur site, aides sociales renforcées… Un ensemble cohérent qui structure l’environnement de travail au quotidien.
Même logique chez ENGIE, avec le programme « No Mind At Risk ». Neuf engagements clés guident une politique qui mêle événements annuels, implication forte du management, et lecture inclusive des risques psychosociaux (RPS). L’idée ? Sortir d’une logique de réparation pour entrer dans une vraie culture de prévention.
🤝 Levier collectif et managérial : embarquer les équipes dans la durée
BNP Paribas a lancé « We Care » en 2023 : un programme articulé autour de la prévention de la sédentarité, du soutien psychologique et du droit à la déconnexion. L’accord QVCT signé en 2024 est venu consolider cette dynamique, avec 35 000 collaborateurs impliqués.
Chez Bouygues Bâtiment France, la dimension collective est au cœur de la démarche : un réseau de « bienveilleurs » a été déployé, avec des temps d’échange, des challenges sportifs, et des actions concrètes pour favoriser l’inclusion et recréer du lien.
🌿 Actions du quotidien : des formats concrets, utiles et incarnés
Loin des grandes annonces, certaines entreprises innovent dans les formats proposés.
Chez Alan, la santé mentale s’inscrit dans un modèle d’organisation repensé : coachs internes formés à l’écoute, congés spécifiques, politique stricte de déconnexion… Le tout soutenu par un leadership engagé et des actions structurelles.
Danone a choisi de former des « mental health first aiders » – des collaborateurs identifiés et sensibilisés pour détecter les signaux faibles et orienter vers les bons relais. Un baromètre interne du bien-être est également déployé à intervalles réguliers pour suivre l’évolution du climat psychologique dans les équipes et ajuster les actions si nécessaire.
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Changer de prisme : vers un bien-être global et incarné
Et si la santé mentale n’était plus traitée comme un sujet à part ? Et si elle était enfin reliée à d’autres enjeux comme l’activité physique, la nutrition, la gestion du stress ou encore le lien social ?
Zoom sur quelques initiatives concrètes :
- Des challenges collectifs : les collaborateurs participent à des parcours connectés favorisant l’activité physique et les échanges entre équipes.
- Des ateliers respiration, sommeil ou gestion du stress : organisés au sein de l’entreprise ou en format digital, avec des conseils pratiques à appliquer au quotidien.
- Des temps d’échange en équipe : pour recréer du lien autrement — “talks café” sans ordre du jour, cercles de parole, rituels d’ouverture de réunion avec météo personnelle…
- Des formations managériales qui vont au-delà des protocoles : pour aider les managers à détecter les signaux faibles, ouvrir le dialogue, et soutenir sans infantiliser.
132 000 agents du ministère de l’Économie et des Finances ont ainsi eu accès à un programme annuel de prévention santé, mêlant activité physique, alimentation et gestion du stress. Pour Samia K., cheffe de bureau – Cadre de vie à la Direction générale du Trésor :
« Ce programme, initialement centré sur les bienfaits de l’activité physique, a permis de faire entrer les sujets de santé dans le service. Désormais, nous nous autorisons plus facilement à aborder des thématiques telles que le sommeil, l’alimentation ou la gestion du stress. Pour notre structure, ce n’était pas naturel d’aller sur le terrain de la prévention santé. »
L’approche holistique de la santé mentale consiste ainsi à considérer les collaborateurs dans leur globalité : leur état psychologique, leur mode de vie et leurs interactions sociales.
Et si, pour amorcer ce changement de regard, les entreprises commençaient par des actions simples, collectives et accessibles ? Des formats courts, proposés à l’occasion de temps forts comme la Semaine de la QVCT, peuvent être un bon point de départ pour reconnecter prévention, cohésion d’équipe et bien-être durable.