Les dangers de l’inactivité physique et de la sédentarité

Prévention Santé
8 minutes
Femme sédentaire assise seule
Des images fortes, des mots bien choisis et des chiffres clés. Sans langue de bois, François Carré, Professeur en physiologie cardiovasculaire au CHU de Rennes et cofondateur de l’Observatoire de la sédentarité, dresse le tableau de l’inactivité physique et de la sédentarité. Ou, comment réveiller les consciences. (Extraits de la conférence débat sport santé : 8/10/2019 ; Vannes)
Des images fortes, des mots bien choisis et des chiffres clés. Sans langue de bois, François Carré, Professeur en physiologie cardiovasculaire au CHU de Rennes et cofondateur de l’Observatoire de la sédentarité, dresse le tableau de l’inactivité physique et de la sédentarité. Ou, comment réveiller les consciences. (Extraits de la conférence débat sport santé : 8/10/2019 ; Vannes)

Manque de conscience

“Nous sommes en train de vivre un véritable tsunami sociétal : le tsunami de l’inactivité physique et de la sédentarité. Ce mot-là est employé par Yannick Guillodo, un ami rhumatologue, à Brest.

Ce mot représente bien ce qu’il se passe et dont la population n’a pas conscience. Notre rapport avec l’inactivité physique et la sédentarité est au même point qu’avec le tabac et la cigarette il y a cinquante ans. Autrefois, tout le monde fumait parce que cela n’était pas considéré comme quelque chose de grave et dangereux.

Aujourd’hui, tout le monde passe son temps assis, ne bouge pas suffisamment, sans savoir quels dangers cela représente pour sa santé. L’inactivité physique a lieu lorsque l’on ne respecte pas les recommandations faites par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et aussi à l’échelle de la France. Ces organismes recommandent 30 minutes d’activité physique chaque jour, sans exception.”

Posez la question à votre dentiste…

« Il y a quelque temps, quelqu’un m’a dit : “Je n’ai pas le temps de faire 30 minutes de sport chaque jour, mais le dimanche j’en fais pendant 3 heures. Est-ce que c’est bien, Docteur ?“. Je lui ai répondu : “ Oui, c’est comme si vous demandiez à votre dentiste : je ne me brosse pas les dents la semaine mais je me lave les dents 7 fois le dimanche, est-ce que c’est bien M. Le dentiste ? ”. La réponse est non, bien entendu. L’activité physique fonctionne sur 24 heures, donc il faut en faire chaque jour.

Quant à la sédentarité, des études ont montré que si l’on est assis pendant plus de 6 ou 7 heures au quotidien, on prend un risque pour sa santé. C’est pire encore lorsque l’on passe la majorité de son temps assis : en voiture pour se rendre au travail, au bureau, à table, devant la télévision, etc. Si vous avez des périodes assises ininterrompues de plus de 2 ou 3 heures, il faut essayer de se lever et de faire quelques pas.

L’inactivité physique et la sédentarité augmentent le risque d’avoir :

  • Un diabète de 30 %
  • Un AVC de 30 %
  • Un infarctus du myocarde d’environ 25 %
  • Une hypertension artérielle de 50 %
  • Un cancer de 25 %

Voilà les risques si l’on ne respecte pas bien ces recommandations. C’est pour cela que la situation est similaire aux dangers du tabac qui nous étaient alors méconnus. Aujourd’hui, on ne connaît pas bien les risques liés à un mode de vie insuffisamment actif et sédentaire. »

Inactivité et sédentarité : nouveaux perturbateurs endoctriniens

« Pourquoi notre mode de vie favorise-t-il toutes ces maladies ? Tout simplement parce que nous sommes programmés génétiquement pour bouger. Je n’ai pas le choix. Mes gènes, vos gènes, ne s’expriment bien que si vous bougez ! Vous connaissez tous les perturbateurs endocriniens et les pesticides. Nous en parlons tous les jours à la télévision ou à la radio. Si on parlait autant de l’inactivité physique et de la sédentarité, on gagnerait beaucoup de temps.

Or, l’inactivité et la sédentarité constituent bel et bien un perturbateur endocrinien. Ce perturbateur empêche vos gènes de bien fonctionner. Vos gènes ne fonctionnent bien que si vous bougez.

Il a fallu des millions d’années pour que l’on ait les gènes que l’on a. Entre le fameux chasseur cueilleur et moi, le gène est tout à fait identique. Si bien que si je ne fais pas correctement fonctionner mes gènes, j’augmente le niveau de stress oxydant et mon niveau d’inflammation. Or, c’est là-dessus que se développe l’hypertension artérielle, le diabète, les cancers, l’infarctus du myocarde, la polyarthrite rhumatoïde, la dépression, ainsi que d’autres maladies.

Les neurologues nous disent que le premier traitement pour les dépressions minimes à modérées est l’activité physique. Elle est plus efficace que les antidépresseurs et diminue les risques de récidives.

Actuellement, en France, 11 millions de patients souffrent d’une ALD (Affection Longue Durée) ou d’une maladie chronique.

75% des Français de plus de 65 ans ont recours à la médication.

Dans le cas du cancer du sein, si vous associez l’activité physique à la chimiothérapie, à la radiothérapie ou à la chirurgie – éléments indispensables – la mortalité des patients diminue de 25% à 30%. Si vous continuez l’activité physique après avoir été en rémission du cancer du sein, le risque de récidive est diminué de 50%. Ces chiffres éloquents prouvent l’importance de la pratique d’une activité physique.

Maladies chroniques : qui va payer les pots cassés ?

« Les 11 millions de patients malades en France représentent en moyenne 9 à 10 milliards d’euros par an. Tel que nous sommes partis, on s’attend à une hausse du nombre de patients atteignant les 15 millions.

Alors se pose cette question : qui va payer ? D’autant que les enfants respectent très peu les recommandations établies par l’OMS. Un enfant a besoin d’au moins 1 heure d’activité physique chaque jour. Des études ont été menées. En outre, des enfants ont porté un brassard pendant 15 jours. Ce dernier a pu enregistrer les moindres mouvements de l’enfant. Résultat ? Seulement 5% des enfants pratiquent 1 heure d’activité physique par jour. 95% des enfants dans les pays développés ne respectent pas ces recommandations. Les parents ne se rendent pas compte du risque qu’ils prennent.

D’ailleurs, si on les interroge sur les risques existants pour la santé de leurs enfants, voici leur classement : les écrans, l’alimentation, les pesticides, les mauvaises ondes… L’inactivité physique et la sédentarité n’arrivent qu’en 11èmeplace sur un classement de 12  dangers pour la santé infantile. »

Capacité physique, essoufflement et espérance de vie

« La notion de la capacité physique est un autre aspect essentiel. Lorsque je pose la question à mes collègues : “ Sais-tu ce qui me permet de dire à quelqu’un s’il va vivre longtemps ? ”. Ma réponse est simple : « Il suffit de compter combien d’étages ces personnes peuvent monter sans être essoufflées”.

Si vous montez 4 étages sans être essoufflés, cela signifie que vous avez une bonne capacité physique. Et si vous avez une bonne capacité physique, cela veut dire que vos poumons, votre cœur et vos muscles vont bien et que vous êtes donc en bonne santé.

Si vous montez deux étages sans être essoufflés, cela veut dire que votre capacité physique est basse et que votre espérance de vie est faible. Depuis 2 ans, les Américains mesurent la capacité physique de tous les hommes et de toutes les femmes de 40 ans pour les alerter sur l’état de leur capacité physique et les inciter à changer leur mode de vie. Ces tests sont bien plus pertinents que le simple fait de constater du cholestérol ou de l’hypertension artérielle.

Ce que je dis là vaut aussi bien si vous êtes malade. Par exemple, si vous venez de faire un infarctus et que vous montez 4 étages sans être essoufflés, tout va bien se passer pour vous. Toutefois, si vous venez de faire un infarctus et que vous montez seulement 2 étages avant de manquer de souffle, il faudra alors que vous bougiez davantage. De même, il vous faudra limiter votre temps assis et modifier votre alimentation. »

Un enfant qui ne marche pas est un adulte qui ne marchera pas

Actuellement, les enfants passent en moyenne près de 3 à 4h sur les écrans par jour, en France. C’est donc environ 25 heures passées devant un écran par semaine et il n’ y pas 5% d’entre eux qui pratiquent l’heure d’activité physique par jour, pourtant plébiscitée. Cela révèle bien l’urgence du problème. Il faut donc vraiment faire quelque chose. J’insiste sur ce que je vais vous dire. Ce n’est pas la faute des enfants. Il faut arrêter de dire que c’est de leur faute. Ils reproduisent ce que font leurs parents.

Si, moi, en tant que père, je garde mon téléphone à côté de moi, que la télévision est dans la chambre, dans la cuisine et dans le salon, rien d’étonnant à ce que mon enfant de 13 ans fasse la même chose. En somme, il faut leur montrer l’exemple. Un enfant qui ne marche pas est un adulte qui ne marchera pas ! Un enfant qui ne voit pas ses parents marcher, sera un adulte qui ne marchera pas. Nous sommes donc les exemples de nos enfants. Montrons-leur les bonnes choses et nous parviendrons ainsi à une amélioration. »

Changer de mode de vie ?

« Retenez-bien ce que je vous ai dit : nous ne connaissons pas les dangers de l’inactivité physique et de la sédentarité. Je vous ai donné des chiffres très impressionnants. Si la société décide de changer son mode de vie, il est possible de diminuer ces risques. Pour rappel, au collège, on compte 20% d’enfants en situation de surpoids et 5% d’enfants souffrant d’obésité.

De même, il existe de nos jours des enfants âgés de 14 ans qui présentent un diabète de type 2. Or, j’ai appris en faculté de médecine que le diabète de type 2 renvoie au diabète de la maturité. Il touche donc les personnes de 40 ans. Malheureusement, aujourd’hui les adolescents de 14 en souffrent aussi. Or, un enfant de 14 ans qui est diabétique arrêtera de travailler à 35 ans. Quelle société sera capable d’avoir 5, 10, voire 15% de personnes qui vont arrêter de travailler dès 35 ans ? »

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