Comment le nudge favorise les changements de comportements de santé

Prévention Santé
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Nous sommes toutes et tous influencés par nos émotions, nos habitudes, notre entourage et le contexte dans lequel nous évoluons. Tous ces biais cognitifs peuvent directement impacter nos processus de décision. Les éclairages d’Odile Peixoto, directrice générale de BVA santé.
Nous sommes toutes et tous influencés par nos émotions, nos habitudes, notre entourage et le contexte dans lequel nous évoluons. Tous ces biais cognitifs peuvent directement impacter nos processus de décision. Les éclairages d’Odile Peixoto, directrice générale de BVA santé.

Observance et coups de pouce

Dans le domaine de la santé, les enjeux du nudge sont multiples, qu’il s’agisse d’observance (médicamenteuse ou non-médicamenteuse), de prévention des risques ou d’encouragement à choisir des modes de vie plus sains. « En identifiant les biais cognitifs qui impactent les prises de décisions, il est possible de favoriser des changements de comportements. Si les sciences comportementales permettent de comprendre comment les gens prennent des décisions dans la vie réelle, le nudge permet de créer un environnement de choix qui favorise l’adoption du comportement souhaité, sans contrainte, pour aider les gens à atteindre leurs propres objectifs. », explique Odile Peixoto, directrice BVA Santé.

Une application mobile pour faciliter l’arrêt du tabac

Le sevrage tabagique est dans la ligne de mire du nudge. En Australie, une application mobile gratuite aide au sevrage à l’aide de messages de soutien et de jeux que les fumeurs peuvent utiliser pour se distraire lorsqu’ils éprouvent une trop grande tentation.

L’application valorise par exemple l’argent économisé au fil des cigarettes évitées.« C’est ce que l’on appelle les comptes mentaux », explique Odile Peixoto « on transforme le nombre de cigarettes non fumées, qui n’a peut-être pas beaucoup d’importance pour la personne, en argent qui à l’inverse peut avoir beaucoup de valeur ». Une conversion cigarettes/argent qui s’avère mobilisatrice pour ancrer le changement de comportement de manière durable.

Au coeur de ces applications mobiles en santé, d’autres biais sont appliqués : « ceux de la valorisation de l’ego, de l’engagement. On fait aussi participer les proches qui peuvent féliciter la réussite du sevrage », même si ce réflexe de la congratulation s’applique davantage dans les pays anglo-saxons que français. « On peut également mettre en avant le nombre de personnes qui ont réussi à arrêter de fumer grâce à l’application. On active alors le biais des normes sociales  pour inciter la personne à passer du bon côté de la barrière, celui d’une meilleure hygiène de vie ». Un point qui éveille le goût du challenge ou de la prise de conscience. « Si tant de millions de personnes l’ont fait, alors moi aussi, je peux le faire”,  voilà ce qui raisonne dans les esprits.

Sur les plages, dans les couloirs de l’hôpital…

Autres exemples de nudge : « il y a 3 ans, une marque de cosmétique avait créé un patch distribué gratuitement en pharmacie ». Collé sur la peau, ce dernier changeait de couleur lorsque la crème ne faisait plus effet. En étant connecté à une application mobile, ce patch permettait de délivrer des informations santé essentielles.

Résultat : 31% des personnes ont essayé de rester plus à l’ombre et 63% ont attrapé moins de coups de soleil.

Le nudge est également utilisé dans les couloirs de l’hôpital. Pour systématiser l’utilisation de gel hydro alcoolique par les soignants avant d’entrer dans le service des urgences, une expérimentation a été menée dans un hôpital pour la prévention des maladies nosocomiales. « Au début de l’expérimentation, un gel était mis à disposition sous une affiche de sensibilisation au lavage des mains, mais seuls 15% des soignants, stressés et pressés, en faisaient réellement usage », décrit Odile Peixoto.« Dans un second temps, une odeur citronnée se déclenchait au passage des personnels. Cette senteur a créé un court-circuit dans les cerveaux, associée à la notion du propre. Dans la foulée, le recours au gel est passé à 47%. »

Le secteur de la santé, confronté à des challenges comportementaux

Contre le cancer, changer les comportements est loin d’être vain. En France, selon l’INCa (Institut National du Cancer), 4 cancers sur 10 sont en effet évitables grâce à une modification de mode de vie. Ces cancers résultent précisément de l’exposition à des facteurs de risque liés à nos comportements. Ainsi, en arrêtant de fumer, en buvant moins d’alcool, en mangeant équilibré et varié, en bougeant plus, 40% des cancers pourraient être évités chaque année.

Le nudge est aussi un bon levier contre la sédentarité. Dans le tableau des maladies du mode de vie, elle est souvent pointée du doigt. Selon l’ONAPS (Observatoire National de l’Activité Physique et de la Sédentarité), 4 adultes sur 10 ont un niveau de sédentarité élevé : c’est à dire qu’ils sont assis ou allongés plus de 7 heures par jour en dehors des temps de sommeil.

Un véritable fléau. D’ailleurs, pour François Carré, professeur en physiologie cardiovasculaire au CHU de Rennes et cofondateur de l’Observatoire de la sédentarité, « notre rapport à l’inactivité physique et la sédentarité est au même point qu’avec le tabac et la cigarette il y a cinquante ans. Autrefois, tout le monde fumait parce que cela n’était pas considéré comme quelque chose de grave ni de dangereux »L’enjeu est de taille lorsque l’on sait quel’inactivité physique et la sédentarité augmentent les risques de : diabète, d’accident vasculaire cérébral (AVC), d’hypertension artérielle, de stress, de fatigue. Un terrain de jeu immense pour le nudge.

Laura Bourgault

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