Masse musculaire et APA pour lutter contre le cancer

Activité physique
4 minutes
Plusieurs études s’intéressent à la perte de masse musculaire des patients atteints de cancers. Pour freiner ce phénomène - appelé sarcopénie - l’activité physique adaptée associée à une nutrition plus riche en protéine serait une réponse. Comment prévenir cette perte progressive de la fonction musculaire ? Quelles solutions ? Par Lidia Delrieu, chercheuse en activité physique et cancer (Institut Curie ; Seintinelles ; Centre Léon Bérard)
Plusieurs études s’intéressent à la perte de masse musculaire des patients atteints de cancers. Pour freiner ce phénomène - appelé sarcopénie - l’activité physique adaptée associée à une nutrition plus riche en protéine serait une réponse. Comment prévenir cette perte progressive de la fonction musculaire ? Quelles solutions ? Par Lidia Delrieu, chercheuse en activité physique et cancer (Institut Curie ; Seintinelles ; Centre Léon Bérard)

Est-ce normal de perdre du muscle ?

Perdre de la masse musculaire avec l’avancée en âge est un processus normal et inéluctable. On estime d’ailleurs que les personnes commencent à perdre leur masse musculaire dès l’âge de 30 ans, perdant 8% de muscle par décennie jusqu’à 70 ans puis 15% par décennie1.

Cette perte de masse musculaire peut avoir plusieurs conséquences dont la plus importante est celle de la diminution de l’autonomie des personnes avec un risque accru de chute.

Qu’en est-il des patients atteints de cancers ?

Plusieurs études se sont intéressées à la masse musculaire des patients atteints de cancers. Les recherches ont démontré qu’environ 11% à 74% des patients avaient une faible masse musculaire associée à des performances physiques déteriorées3.

Ce phénomène, appelé sarcopénie, est également associé à des toxicités plus fortes chez les patients atteints de cancer ainsi qu’à des reports de cures plus fréquents et à une survie plus faible4–6. En effet, la quantité de dose de chimiothérapie ou d’immunothérapie administrée est basée sur la surface corporelle qui ne distingue pas la masse musculaire de la masse grasse.

Le muscle et la masse grasse auraient des propriétés différentes et ne métaboliseraient pas de la même façon les traitements.

Pourquoi perd-on du muscle et comment prévenir ce phénomène ?

Plusieurs facteurs peuvent conduire à une diminution de la masse musculaire comme des perturbations métaboliques (insulino-résistance, inflammation…), les traitements, la baisse de l’activité physique et la diminution des apports alimentaires7.

Ces facteurs sont donc à l’origine d’un déséquilibre entre la synthèse de muscle et la dégradation induisant à une diminution du muscle4. L’une des stratégies consisterait à proposer des programmes d’activité physique basés sur de la prise de masse musculaire associé à une nutrition plus riche en protéines. D’autres solutions, comme l’APA connectée – basée sur le jeu, le digital et la communauté de patients – sont également en cours d’évaluation dans les établissements de santé.

Néanmoins, la recherche est loin d’avoir livré tous ses secrets car il resterait à déterminer quel type d’activité physique réaliser en fonction de chaque patient et pourquoi pas à terme, revoir la façon dont les doses de traitements sont administrées… Une étude est d’ailleurs en cours dans le cancer colorectal menée par l’Institut régional du Cancer de Montpellier.

Intelligence artificielle et interventions adaptées

Considérée comme un marqueur pronostique pour les patients atteints de cancer, la perte de masse musculaire reste actuellement trop peu évaluée en pratique courante et nécessiterait une attention particulière pour améliorer la prise en charge des patients8.

De nouvelles études basées sur des techniques d’intelligence artificielle permettraient de systématiquement identifier les patients ayant une faible masse musculaire et les patients à risques de développer des toxicités pour leur proposer des interventions adaptées.

Enfin et plus globalement, l’activité physique adaptée espère s’ouvrir les portes d’un financement généralisé. Cette thérapie non médicamenteuse fait aujourd’hui l’objet d’une expérimentation nationale. A partir de début 2021, 1200 patients atteints de maladies cardio-vasculaires vont bénéficier d’une prise en charge forfaitaire par la sécurité sociale d’un programme de 5 mois de sport sur ordonnance

 

1. Grimby G, Saltin B: The ageing muscle. Clin Physiol Oxf Engl 3:209–218, 1983

2. Janssen I, Heymsfield SB, Ross R: Low relative skeletal muscle mass (sarcopenia) in older persons is associated with functional impairment and physical disability. J Am Geriatr Soc 50:889–896, 2002

3. Shachar SS, Williams GR, Muss HB, et al: Prognostic value of sarcopenia in adults with solid tumours: A meta-analysis and systematic review. Eur J Cancer 57:58–67, 2016

4. Prado C, Maia Y, Ormsbee M, et al: Assessment of Nutritional Status in Cancer – The Relationship Between Body Composition and Pharmacokinetics. Anticancer Agents Med Chem 13:1197–1203, 2013

5. van den Berg MMGA, Kok DE, Posthuma L, et al: Body composition is associated with risk of toxicity-induced modifications of treatment in women with stage I–IIIB breast cancer receiving chemotherapy. Breast Cancer Res Treat 173:475–481, 2019

6. Versteeg KS, Blauwhoff-Buskermolen S, Buffart LM, et al: Higher Muscle Strength Is Associated with Prolonged Survival in Older Patients with Advanced Cancer. The Oncologist 23:580–585, 2018

7. Kim TN, Choi KM: Sarcopenia: definition, epidemiology, and pathophysiology. J Bone Metab 20:1–10, 2013

8. Deluche E, Leobon S, Desport JC, et al: Impact of body composition on outcome in patients with early breast cancer. Support Care Cancer Off J Multinatl Assoc Support Care Cancer 26:861–868, 2018

Par Lidia Delrieu, PhD
Institut Curie & Centre Léon Bérard
Chercheuse en activité physique et cancer

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