L’activité physique adaptée bientôt remboursée par la sécurité sociale ?

Activité physique Thérapie Digitale
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L’activité physique adaptée sera-t-elle bientôt remboursée par la sécurité sociale ? Avant de s’ouvrir les portes d’un financement généralisé, l’APA doit valider sa faisabilité et son efficience. Cette thérapie non médicamenteuse fait aujourd’hui l’objet d’une expérimentation nationale.
L’activité physique adaptée sera-t-elle bientôt remboursée par la sécurité sociale ? Avant de s’ouvrir les portes d’un financement généralisé, l’APA doit valider sa faisabilité et son efficience. Cette thérapie non médicamenteuse fait aujourd’hui l’objet d’une expérimentation nationale.

Le remboursement de l’activité physique pour 1200 patients atteints de maladies cardio-vasculaires

Il s’agit d’une première. A partir de début 2021, 1200 patients atteints de maladies cardio-vasculaires vont bénéficier d’une prise en charge forfaitaire par la sécurité sociale d’un programme de 5 mois de sport sur ordonnance.

L’association Azur Sport Santé, centre de ressource et d’expertise soutenu par l’ARS PACA, lance cette expérimentation nationale – baptisée “As du coeur” – dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale qui soutient des actions  innovantes en santé. Objectif : évaluer la faisabilité, l’efficacité et la reproductibilité d’un programme d’Activité Physique Adaptée (APA), pris en charge par l’assurance maladie, pour les patients sortant de réadaptation cardiovasculaire

  • Le début de l’expérimentation est prévu en janvier 2021. Une date repoussée à cause de la crise sanitaire de la Covid-19.
  • Il est prévu d’inclure 1 200 patients, sortants de centres de soins de suite et de réadaptation cardiaque (SSR). Ils seront recrutés de janvier à juin 2021, pour une durée de 5 mois chacun.
  • Les patients seront guidés vers ce programme par les dix centres SSR référents du projet (répartis dans 5 régions : Auvergne Rhône-Alpes, Bretagne, Centre-Val-de-Loire, Occitanie, Provence Alpes Côte-d’Azur).
  • Au total, 30 structures (SSR) accompagneront les patients.
  • Le forfait de prise en charge est de 592 euros par patient, un peu plus de 400 euros pour les séances d’activité physique adaptée et 186 euros dédiés à un accompagnement éducatif visant à soutenir la motivation et l’engagent vers une pratique durable.
  • En dehors du budget alloué à la prise en charge des programmes,  l’expérimentation bénéficie d’un budget de 346 167 euros pour la coordination du projet, la logistique, la formation et le recueil des données et le suivi).
  • En 2019, l’ARS PACA a investi 1 M euros sur 52 programmes d’activité physique adaptée.

Phase test, premiers résultats et expérimentation plus large

« En 2015, après une phase test sur une dizaine de patients qui nous a permis d’évaluer le protocole et les outils, nous avons mené une étude scientifique auprès de malades souffrants d’insuffisance cardiaque ou de troubles coronariens. L’étude portait sur deux volets : le premier psycho-comportemental et le second médico-économique », détaille Odile Diagana, coordinatrice de l’association Azur Sport Santé.

Pour le volet psycho-comportemental, deux groupes ont été formés : ceux qui suivaient le programme APA en autonomie progressive et bénéficiaient d’un certain nombre d’outils  psycho-comportementaux et ceux qui suivaient le programme de manière classique.

« Pour le volet médico-économique, on a comparé les dépenses de santé de l’effectif qui avait bénéficié du programme d’APA (en autonomisation progressive ou pas)  aux personnes qui avaient été invitées à ce programme mais qui n’ont pas bénéficié du programme. Le groupe ayant bénéficié du programme a vu ses dépenses de santé chuter de 30% (environs 1300 euros de moins sur une année), alors que celles du groupe témoin sont restées stables.  On a notamment identifié que les ré-hospitalisations et les consultations étaient moindres pour ceux qui avaient bénéficié du programme. Le coût/efficacité a été évalué avec l’indicateur Qaly, marqueur du gain de l’espérance de vie en bonne santé, pour décider si une thérapie non médicamenteuse peut prétendre au remboursement », ajoute Odile Diagana. L’article 51 permet aujourd’hui d’élargir l’expérimentation.

Dans la même logique et pour répondre à ces enjeux médico-économiques, l’APA connectée propose également une alternative. Objectifs : faciliter le déploiement des programmes, limiter les coûts et inclure plus de patients. Certains établissements de santé évaluent déjà cette solution comme : l’Institut Curie, le Centre Léon Bérard, l’institut Gustave Roussy, l’AP-HP ou encore la Clinique Claude Bernard (Ramsay Santé).

Ateliers collectifs et individuels, séances d’APA

Chaque programme est développé pendant 5 mois et se compose de la manière suivante :

  • 1 bilan physique en début de parcours
  • 2 séances individuelles de reprise d’activité physique
  • 40 séances de pratique physique collective (2 séances de 75 min / semaine) et une séance par semaine en recommandée en autonomie
  • 6 modules « d’engagement durable » composés de 3 entretiens motivationnels (avant, pendant et après les 5 mois)
  •  3 ateliers collectifs

Après chacun de ces modules, le professionnel de l’APA (enseignant APA) renseigne plusieurs indicateurs  : la présence du patient et son ressenti global vis-à-vis de la séance.

De quelles disciplines sportives parle-t-on ? « On ne raisonne pas en termes de support d’activité, mais en termes de qualité physique travaillée : les activités proposées devront respecter les recommandations des sociétés savantes en terme de durée et d’intensité et comprendre un travail cardio-respiratoire et des exercices musculaires ». Il peut s’agir de marche, natation, vélo, danse, circuits-trainings…

Données de santé et données de vie réelle

L’impact sur la pathologie dont le patient souffre n’est pas spécifiquement étudié. « Les bénéfices de l’activité physique adaptée sur l’appareil cardiovasculaire ne sont plus à démontrer », atteste Noémie Ferré. « En dehors de l’étude de l’évolution des dépenses de santé, seront également recueillis : la condition physique, le degré de motivation, les critères démographiques comme l’âge, le sexe, le lieu de résidence… ».

D’autres indicateurs quantitatifs et qualitatifs sont en cours de définition par l’évaluateur de l’expérimentation (externe à Azur Sport Santé), qui procèdera également à de nombreux entretiens pour en tirer ses conclusions. « A ce sujet, il faut bien intégrer que le cadre est commun à tous les articles 51 », relève Noémie Ferré, médecin coordinateur de l’association.

Les informations s’avèrent aussi largement tournées vers le bien-être : comment le volontaire vit-il ces séances régulières ? Où en est le patient concernant sa marge de progression ? Quels exercices s’avèrent pertinents en fonction des ressources physiques et mentales de chacun ?  « Nous sommes donc uniquement concentrés sur les données globales qui vont servir à l’évaluation. »

Intervenants APA et questionnaires

L’association Azur Sport Santé proposera aux intervenants APA une formation au protocole de cette expérimentation  article 51 et aux modules « engagement durable » et une séquence en cardiologie sera assurée par les cardiologues des centres SSR expérimentateurs.

Chaque professionnel en activité physique adaptée intégré dans l’expérimentation récoltera et saisira les données relatives aux patients suivis.  « Tous les fichiers transmis à l’évaluateur sont anonymisés. Dès le début du programme, les participants répondront à des questionnaires ».

Vers une prise en charge à 100%, par l’Assurance Maladie ?

« On espère que cette expérimentation ouvrira la porte à un remboursement de l’activité physique adaptée par la sécurité sociale ». Un enjeu d’importance dans le contexte où la loi dite sport sur ordonnance ne prévoit pas de prise en charge. « Les médecins qui y ont recours s’en plaignent, car cette thérapie non médicamenteuse est reconnue par la Haute autorité de santé (HAS) », souligne Noémie Ferré.

L’aspect financier n’est pas le seul frein au remboursement « L’ autre obstacle majeur est la méconnaissance de cette prescription par les médecins eux-mêmesmême si les choses commencent à bouger. Les médecins n’y sont globalement pas sensibilisés et n’ont pas l’habitude de travailler avec les intervenants en activité physique adaptée”

Le dispositif Article 51 – qui permet d’expérimenter de nouvelles organisations en santé et des modes de financement inédits – pourrait donner un nouvel élan au sport sur ordonnance. Les jeux de santé en font partie.  Les enjeux sont simples : améliorer la qualité de vie des patients et alléger les dépenses en santé publique.  De l’obstétrique à la chirurgie en passant par l’addictologie, la psychiatrie ou l’oncologie, de nombreuses sphères médicales sont concernées par l’activité physique adaptée.

Laura Bourgault

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