Prévention santé. La notion de plaisir, trop souvent oubliée ?

Prévention Santé
5 minutes
Silvio Maltagliati
Les messages de promotion de l’activité physique ciblent souvent sur les bénéfices pour la santé et trop rarement sur la notion de plaisir. Cette stratégie est-elle efficace ? Interview de Silvio Maltagliati, doctorant au Laboratoire Sport et Environnement Social de l’Université Grenoble Alpes.
Les messages de promotion de l’activité physique ciblent souvent sur les bénéfices pour la santé et trop rarement sur la notion de plaisir. Cette stratégie est-elle efficace ? Interview de Silvio Maltagliati, doctorant au Laboratoire Sport et Environnement Social de l’Université Grenoble Alpes.

Doit-on parler de santé ou de plaisir ?

Les messages de promotion de l’activité physique ciblent souvent sur les bénéfices pour la santé et trop rarement sur la notion de plaisir. Cette stratégie est-elle efficace ?

Une équipe multidisciplinaire de chercheurs de l’Université de Grenoble et de Genève (psychologie de la santé, neurosciences et économie comportementale) s’est penchée sur cette question.

Cette analyse – centrée sur l’activité physique – pourrait d’ailleurs aussi s’appliquer à d’autres comportements de santé, comme l’alimentation, ou encore aux comportements pro-écologiques.

Interview de Silvio Maltagliati, doctorant au Laboratoire Sport et Environnement Social de l’Université Grenoble Alpes.

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Efficacité des messages

Pour vous, les messages promouvant les bénéfices de l’activité physique sur la santé sont globalement inefficaces ?

« Il y a des tonnes de campagnes publiques et de messages vantant les bienfaits de l’activité physique. C’est une bonne chose, tout le monde sait qu’il faut bouger. D’ailleurs, la plupart des gens disent aujourd’hui avoir l’intention d’être actif physiquement.

Toutes ces bonnes intentions se traduisent-elles, pour autant, en action ? Force est de constater que non. Entre aller courir ou regarder la télévision dans son canapé, bon nombre d’individus cèdent à la tentation sédentaire.

On peut donc s’interroger sur l’efficacité de ces messages ciblant majoritairement les bénéfices de l’activité physique sur la santé. Sont-ils suffisants ? Parler uniquement des “bénéfices pour la santé” ne suffit pas à faire évoluer nos habitudes de vie. »

3 facteurs influent sur nos décisions

Comment expliquez-vous alors cette relative inefficacité ?

« Nous avons suggéré, dans un article d’opinion, que trois facteurs impliqués dans la prise de décision humaine peuvent réduire la valeur attribuée à ces bénéfices pour la santé au moment de choisir entre activité physique et sédentarité : 

– Tout d’abord l’obtention de ces bénéfices impliquent l’investissement d’une quantité d’effort considérable.

– Ensuite, ces bénéfices sont différés dans le temps : est-il vraiment motivant de s’engager dans un comportement si la seule raison derrière cet engagement est liée à des bénéfices obtenus dans un futur lointain ?

– Enfin, des mécanismes de distorsion des croyances peuvent nous amener à traiter certaines informations avec un « scepticisme motivé », en particulier lorsqu’elles ne correspondent pas à nos préférences. Les personnes pourraient avoir tendance à minimiser les bienfaits de l’activité physique, surtout si ce comportement est peu plaisant pour elles…

Nous pensons qu’il faut davantage parler du plaisir que peut procurer l’activité physique. »

Les vertus du plaisir

Pourquoi parler de plaisir pourrait changer la donne ?

« Tout d’abord, le plaisir procuré par l’activité physique est trop souvent oublié lorsqu’il s’agit d’inciter la population à bouger davantage. Prenons un seul exemple. Dans les recommendations de l’Organisation Mondiale de la Santé, les mots « affect(s) » et « plaisir » n’apparaissent pas. En comparaison, le mot « santé » est cité plus de 200 fois.

Ensuite, le plaisir, mais plus globalement des expériences affectives positives, réduisent la perception de l’effort physique et représentent des conséquences immédiates, obtenues en lien direct avec l’activité réalisée !

Il y aussi un autre effet : celui lié aux croyances que j’évoquais précédemment. Les croyances sont comme une épée à double tranchant. Si vous n’éprouvez pas de plaisir dans l’activité physique, vous pourriez avoir tendance à minimiser ses bienfaits sur la santé. À l’inverse, plus vous allez éprouver de plaisir, plus vous allez donner du crédit à ces mêmes bienfait !

Si l’on reprend donc les trois paramètres impliqués dans la prise de décision, ajouter le plaisir dans l’équation est susceptible de faire pencher la balance décisionnelle en faveur de l’activité physique, plutôt que des tentations sédentaires. »

Apprendre à prendre du plaisir

Quel serait alors le message idéal pour vous ?

« Nous pensons qu’il serait bon d’insister, de rappeler aux personnes que l’important est qu’elles se fassent plaisir en faisant de l’activité physique.

Il existe des leviers pour ça : choisir des activités qui nous plaisent, les pratiquer à des intensités agréables, bien loin du « no pain, no gain » !

On peut aussi penser au lieu dans lequel on aimerait pratiquer ces activités, au moment idéal de la journée, à une playlist que l’on a envie d’écouter… On peut imaginer plein de choses.

La gamification et les applications digitales en font partie, comme le montrent d’ailleurs les travaux d’Alexandre Mazéas, chercheur de l’Université de Grenoble.

La question qui se pose alors est la suivante : comment apprendre aux personnes à réunir les « conditions » de ce plaisir, en dehors de l’application mobile ? Quelles expériences d’activité physique vivent-elles en dehors de la mécanique du jeu et qu’en reste-t-il si l’application disparaît ?

J’ai l’impression que plus globalement, il y a vrai enjeu autour de cette question, dans les écoles et en EPS, les associations sportives.

Développer une relation de plaisir avec l’activité physique, ça se construit dans le temps ! »

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